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Songe à ne pas oublier-XIV

UN RITE ÉTRANGE : L’OFFRANDE LITTÉRALE

Y a-t-il un auteur qui ne se prenne pas pour le prophète ?

Comme chacun sait, il existe une partition de Jean-Sébastien Bach qui s’intitule L’Offrande musicale. Sur un thème fourni par le roi de Prusse Frédéric II, le compositeur conçut un certain nombre de variations remarquables qu’il offrit au souverain, lequel n’avait plus qu’à les interpréter, ce qui est aussi, pour l’interprète, une forme d’offrande, puisqu’il s’agit d’un labeur, fort difficile parfois, mais heureux, puisqu’aucune œuvre n’existerait si, l’on ne l’a faisait vivre en la faisant « entendre »…

S’agissant de textes ou de livres qu’un écrivain conçoit, s’inspirant des divers thèmes que l’expérience humaine lui fournit, il me semble qu’on devrait pouvoir, de la même façon, parler d’offrande littérale. Un livre, n’est-ce pas comme une partition littérale (ou littéraire) offerte au lecteur, pour que celui-ci la fasse vivre en l’interprétant, pour lui-même en son for intérieur, ou pour d’autres s’il leur en fait la lecture à haute voix ?

C’est exactement cela que je voulais dire lorsque je déclarais, au sujet de mes chroniques du jeudi : J’écris ce que je songe pour donner à songer. Mon « songe » resterait mort-né s’il ne prenait pas vie dans votre propre méditation, passant ainsi de la naissance (pour moi) à l’existence (pour autrui).

C’est cette réciprocité dans l’échange, ce double effort d’ouverture à l’autre, qui fait de la culture un rite de communion. L’offrande littérale, c’est ce rite partagé par celui qui en offre la partition et par celui qui s’adonne à la lecture pour en faire vivre la mélodie, transformant des « lettres mortes » (le contenu du le livre encore dans ses cartons) en « paroles de vie », dès lors que le public fait exister le texte dans sa conscience, en le lisant. À l’offrande littérale de celui qui écrit répond ainsi l’offrande lectorale du récepteur qui l’interprète pour lui-même…

En somme, un acte de publication, pour donner lieu à une réalisation pleine et entière, nécessite au moins quatre prestations de quatre agents qui sont :

- l’auteur d’un texte qui désire l’offrir à l’attention d’un public (connu ou inconnu) ;

- l’éditeur qui en fait une « publication » (transformant ce texte en objet-livre qu’il met à la disposition d’amateurs intéressés, par diffusion directe chez le libraire, ou indirecte, par voie postale) : cette partie de l’échange, qui a un coût, ne perd pas pour autant sa nature d’offrande réciproque ;

- l’acquéreur de l’objet livre, qui offre à celui-ci son débouché naturel, défrayant par sa souscription l’investissement commun de l’auteur et de l’éditeur ;

- le lecteur effectif, qu’il soit l’acquéreur lui-même, ou un ami à qui ce dernier l’a offert : puisque c’est par cette lecture seule – ce « baptême – que le livre reçoit son existence en sus de sa « naissance » : l’offrande du lecteur qui le fait vivre répond à l’accouchement de l’auteur qui l’a « mis au monde ».

Concrètement, dans la situation qui est actuellement la nôtre, où vous lisez sur le site des « Éditions de Beaugies » ma chronique rituelle des « jeudis du songeur », j’occupe si l’on veut la double position d’auteur-éditeur proposant une offrande littérale, tandis que, corollairement, vous vous trouvez dans la double position d’acquéreur-lecteur offrant sa bienveillante attention à l’essor existentiel de mes écrits, y compris en finançant partiellement l’opération en cours… pour peu que – bien sûr – vous adhériez à l’aventure de l’AFBH, qui la rend matériellement possible.

Bien entendu, cette communion idéale où se joignent l’offrande littérale et l’offrande lectorale, va se poursuivre au cours des jeudis à venir : d’abord jeudi prochain, jour particulier de ma destinée, où j’évoque l’avenir (compromis) de mon "fameux" Dictionnaire portatif du Bachelier, puis dès le 7 octobre, avec la nouvelle saison de ces chroniques où je tente de bien songer…

Une bonne nouvelle pour clore cette missive d’aujourd’hui : à ma (grande) surprise, la parution de mon récent opuscule poétique, Échos du temps qui passe et qui revient, a été fort bien accueillie, au point que je finirais presque par croire à sa qualité, et que je songe déjà à une réédition augmentée. Je vous en remercie donc chaleureusement, et rassurez-vous, il reste encore un certain nombre d’exemplaires disponibles susceptibles de faire l’objet d’ « offrandes littérales » que vous pourriez désirer adresser à vos propres amis…

Merci à tous et à chacune.

Le Songeur  (23-09-2021)



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