AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (322)

CHUTE ORIGINELLE

Ma pauvre enfant, je me souviens

De tes yeux, ce soir-là, éperdus

Tes grands yeux vides et atterrés

Comme si tout t’abandonnait…

Ton regard s’allongeait jusqu’au bout du couloir

Pour m’empêcher de m’en aller,

Et moi, deux fois grand-père, imbécile et heureux,

Qui ne soupçonnais rien,

Je n’avais pas su lire dans tes yeux

Qu’en silence soudain ton monde s’écroulait !

Ce cadeau qu’on t’avait fait espérer,

La venue d’un nouveau-né,

Tout à coup te révélait

Ce que pas un ne t’avait dit :

Qu’un beau jour, toi aussi, tu perdrais

Ton paradis…

Abasourdie dans le couloir, tu errais loin du lit

Où reposait l’intrus collé à ta maman,

Tu n’étais plus l’aimée,

Comme avant !

Tu n’étais plus la préférée !

Tu n’avais plus où te blottir, ni où pleurer,

Tu ne pouvais nommer ce que jamais tu n’eusses imaginé :

Toi, la première, toi l’Aînée,

Longtemps radieuse et couronnée

Tu t’es vue simplement pour toujours détrônée

Du royaume où tu régnais.

— L’enfant ne se sent plus aimé lorsqu’il n’est plus le préféré

Ô petite fille que j’aimais,

Ton regard hante encor les couloirs de ma nuit

Désolée…

Pourquoi, oh mais pourquoi

Ne suis-je pas

Revenu sur mes pas pour te prendre en mes bras ?

Le Songeur  (20-04-2023)



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