D’ici 15 jours, pour mes 82 ans, vous avez le droit de fêter mon anniversaire en vous offrant l’un de mes livres…
Il m’est arrivé d’écrire un jour, de façon approximative : « La solitude est la tendresse des bois. »
En me relisant dix ans après, comme tout professionnel de la plume, je me suis demandé gravement ce que j’avais voulu dire. De sorte qu’à force d’interroger cet énoncé, je finis par lui trouver un sens, que la brise du soir – secrètement – me souffla :
« Quand on marche en solitaire dans les bois, on prend vite conscience qu’on n’est pas seul. Les arbres nous parlent. Parfois grondant, parfois grimaçant, parfois pleurant de toute leur sève, parfois faisant de leur silence une parole inouïe, à écouter sans fin. Leur présence amicale, tantôt explose d’espoir au soleil qui paraît, tantôt broie du noir dans les brouillards où tout s’enfouit, tantôt chante à mi-voix la nostalgie des autres mondes, d’un autre temps. Alors, soudain, il se crée dans l’air une étrange et vaste fraternité muette : nos solitudes se rejoignent. Nous marchons ensemble, mystérieusement, dans la douce chaleur de l’espace qui demeure. Un rythme inconnu berce la pulsation immobile des choses. Cela semble pouvoir ne jamais finir. La tendresse des bois est la consolation du mal-aimé qui songe. »
Ravi de cette interprétation (parmi d’autres), je crus comprendre qu’en effet, une promenade dans les bois peut nous révéler la tendresse des arbres. Je pouvais donc savourer la chance d’avoir pondu à l’aveugle une formule non entièrement stupide. Et je me rendis compte, ce faisant, que je venais d’adopter la démarche même des ateliers d’écriture :
1/ On écrit n’importe quoi à partir de règles arbitraires ;
2/ On contemple sa production en essayant de se dire qu’elle est vaguement porteuse de signification ;
3/ On l’adresse aussitôt à son entourage cultivé, et pour peu que nos amis lecteurs aient eux-mêmes l’impression que cet ensemble de mots sonne comme ayant du sens, on rejoint l’état de grâce bien connu des auteurs en mal de célébrité éphémère.
C’est alors que, me demandant d’où avait pu naître en moi cet adage sublime « qui sonnait comme ayant du sens », je me suis souvenu d’une sentence originelle dont je m’étais fait inconsciemment l’écho : « L’exactitude est la politesse des rois ».
Mot célèbre attribué à Louis XVIII, roi de France, et qui avait déjà engendré un pastiche lui-même savoureux : « L’humour est la politesse du désespoir ».
Nous avions là une structure féconde, un nouveau paradigme permettant d’inventer mainte formule sur le modèle : « X est la –esse de(s) Y ».
Pastichez, pastichez, il en restera toujours quelque chose…
L’idéal était de réussir « le » pastiche qui éclipse son modèle.
*
Tu l’as compris, Lecteur : cet exemple immodeste n’avait pour objectif que de t’inciter à pratiquer toi-même l’art de parodier, exercice basique de toute écriture qui se travaille. Loin de te laisser bâiller en partageant mes songes, je t’appelle à produire toi-même du langage surréel. Réveille donc le songeur admirable en germe au fond de toi !
Voici donc, pour commencer, quinze énoncés modestes, qui sont déjà eux-mêmes des pastiches de phrases plus ou moins célèbres. Je t’invite en premier lieu à en retrouver la formule originelle, puis, à partir de ce modèle (sa structure, ses échos), à inventer ta propre parodie au parfum personnel.
Au travail !
1/ La République n’a pas besoin de communicants !
2/ Nous sommes tous des spadassins.
3/ Tu es sable, et sur ce sable, je bâtirai mon oasis.
4/ Tout bourgeois bien votant est un capitaliste qui s’ignore.
5/ Rien n’est beau que le blé, le blé seul est aimable.
6/ Quand j’entends le mot friture, je sors mon verre de bière.
7/ Rien ne se perd, rien ne se donne, tout s’achète.
8/ Entreprises de tous les pays, concurrencez-vous !
9/ Tout homme a dans son cœur un jeune loup qui s’endort.
10/ L’intellectuel est quelqu’un qui se désintéresse de tout ce qui le regarde.
11/ Le XXIe siècle sera conflictuel, ou ne sera pas.
12/ À chacun sa corrida, et les taureaux seront enchaînés.
13/ La rigueur est une idée neuve en Europe.
14/ Chassez le rituel, et la foi tombe à l’eau.
15/ « Sourire fut le propre du petit homme que j’étais. ».
Tout lecteur ayant réussi la moitié de l’épreuve bénéficiera d’une remise de 20% sur l’intégralité de sa prochaine commande.
Réponse avant le 1er octobre 2022, à contact@editionsdebeaugies.org*.
Courage, c’est fastoche…
Le Songeur (15-09-2022)
* On pourra utilement s’entraîner à partir d’une autre liste déjà publiée et corrigée, à l’adresse suivante : http://www.editionsdebeaugies.org/jeudi78.php
(Jeudi du Songeur suivant (302) : « UN BÂTARD NOMMÉ JÉSUS ? » )
(Songe à ne pas oublier précédent (XXIX) : « LA TÊTE DE L’EMPLOI » )