Ce n’est pas « la femme », qui est l’avenir de l’homme : quelle drôle d’idée !
C’est la Mère. Depuis toujours… !
Dire qu’il existe encore des affidés du politiquement correct pour citer la formule stupide d’Aragon : « La femme est l’avenir de l’homme » !
La femme, avenir de l’homme ? Ah, pauvre Humanité…
Mais voyons : ce n’est pas « la femme », qui est l’avenir de l’homme : quelle drôle d’idée ! C’est la Mère. Comme elle l’a d’ailleurs toujours été…
Pour être l’avenir de l’homme, la femme doit d’abord se choisir Mère. Je l’affirme et le proclame. Et si l’on veut connaître le fond de ma pensée, j’avouerai sans détour que si les féministes elles-mêmes (—puissent-elles m’aimer !—) envisageaient d’être vraiment l’avenir de l’homme, ce serait bien davantage en fréquentant les maternités que les manifestations.
L’avenir de l’homme, c’est sa fécondité, et c’est l’omniprésence de la fécondité, par essence maternelle, qui fait à la fois le bonheur de la femme et l’avenir de l’homme, comme elle est aussi l’avenir de la femme et le bonheur de l’homme. L’avenir de l’homme est entre les mains de toutes les femmes de bonne volonté qui savent l’enfanter.
Elles ont bien tort celles qui, oubliant la primauté de cette fonction qui leur est dévolue, se prennent à lorgner sur ce qui leur semble être le pouvoir masculin, idolâtré comme le pouvoir en soi et l’unique pour tous : qui croit cela lâche bêtement la proie pour l’ombre. Et manque son propre avenir de vivant.
C’est aux Mères, Mesdames, Messieurs, qu’appartient l’Avenir de l’Humanité. Quand les femmes s’assument comme Mères, elles ne cessent, concrètement ou non, directement ou symboliquement, d’enfanter le monde en lui fournissant des hommes d’avenir.
Car il n’y a qu’une manière d’assurer « l’avenir » du monde, c’est d’y être enfanté sans fin, comme d’y enfanter continûment.
Ce qu’on appelle naissance, y songe-t-on ? n’est que le tout premier acte. Le seul début d’un événement qui, en réalité s’effectuera au fil de multiples épisodes qui, dans l’existence, nous font à chaque fois « naître » ou renaître, et dont chacun nous révèle un peu plus à nous-mêmes en même temps qu’il nous inscrit dans le monde.
La vraie naissance, c’est l’existence dans son ensemble, qu’il faut bien qualifier de continuel enfantement. On ne cesse de naître et mûrir et souvent à la faveur de rencontres favorables avec des êtres qui sentent nos virtualités, les appellent et en facilitent l’éclosion.
Ce sont justement les Mères, ou les personnes habitées de ce charisme qu’est la fonction maternelle, qui catalysent en nous cette éclosion bienfaitrice, lorsque nous avons la chance de les rencontrer.
L’avenir de chacun, c’est de naître au monde. L’avenir du monde, c‘est ce que les vivants font advenir du monde. Et justement, les femmes semblent avoir été mises au monde pour y être avant tout les matrices du monde.
C’est pourquoi j’aime les mères ! C’est leur spécificité. Et pas seulement à l’heure de la parturition.
Partout le monde est à enfanter ou à ré-enfanter, et l’on attend des femmes qu’elles jouent de leur fonction maternelle pour en préparer les acteurs. Et parce que l’avenir des vivants dépend de la constance et de la qualité de cet enfantement, nous n’existons que par les Mères.
Attention, je n’entends pas faire ici l’éloge du maternage illimité. Accoucher, protéger dorloter prépare la mise au monde. Mais enfanter, mettre au monde, c’est tout ce qui suit. C’est conduire au monde pour affronter le monde. La vraie Mère est celle qui fournit à l’humanité des enfants bien faits. La matrice doit être une conductrice. Elle doit élever bien plus que materner. Conduire au monde le petit qui devra affronter le monde. C’est en cela qu’elle détient l’avenir de l’homme. Il appartient souvent à la fonction maternelle de détecter le moment où il est temps de pousser l’oiseau hors du nid. Paradoxalement, enfanter, c’est alors apprendre l’enfant à sortir de l’enfance. L’envoyer dehors chasser le mammouth pour s’aguerrir.
Notre naissance au monde est ainsi une expérience de chaque jour, un ré-enfantement continuel, qui nécessite l’aide réitérée de « mères » réelles ou symboliques qui en aient le charisme et la volonté.
J’affirme. J’affirme, au risque de passer pour passéiste. Que m’importe ? Car si je dis tout cela sereinement, en m’amusant de son évidence, c’est que je crois n’avoir nullement besoin d’argumenter.
Il me suffit d’observer mon propre cas, quitte à le généraliser un peu.
*
Passons donc aux aveux. Figurez-vous que je n’ai jamais cessé d’être enfanté !
Je vais tout vous dire. Je pourrais même citer bien des noms et des prénoms, à la demande. Voici mon cas :
À mes débuts, et même avant, il y a eu une Mère. Cela vous étonne ? Je veux simplement dire que ce n’était pas une machine. C’était un corps vivant, un cœur, des entrailles, un souffle, toute une respiration qui m’animait et réanimait à tout instant. Bref, ça commençait bien. Et dès que j’ai vu le jour, la Nature a pris le relais, ce qui m’a enhardi à rester sur le chemin de la vie.
Être mis biologiquement au monde ne fut pourtant que le premier élan : dès que j’ai vu le jour, j’ai couru vers le jour. Et c’est tout un enfantement qui s’en est suivi, à l’aide de multiples fonctions maternelles complémentaires dont j’ai bénéficié. Mes sœurs aînées, des maîtresses d’école, de grandes amies, j’en passe : toutes ont eu leur rôle au cours d’un devenir qui tendait à faire de ma personne quelque chose ressemblant à un adulte. À chaque âge, je n’ai cessé d’être enfanté : ô que de mères dont je n’ai pas manqué !
Il en est encore, parmi les plus fidèles de l’AFBH, qui me façonnent et font éclore de moi ce que j’ai à livrer, simplement par l’attente qu’elles en ont…
Avant d’aborder sans l’exhiber ma vie privée, disons un mot de ma vie professionnelle. Prof de français, j’ai évolué dans un milieu largement féminisé : mes chères collègues m’ont appris à enseigner, et m’ont facilité le métier de leur propre créativité. L’une d’elle au Centre International d’Études Pédagogique de Sèvres, m’a un jour pressenti (en tant qu’agrégé sachant écrire) pour faire quelques dossiers sur des sujets divers : elle avait senti en moi une capacité d’essayiste qu’elle m’a conduit à cultiver, me la révélant à moi-même. Plus tard une ancienne élève, m’invitant à un salon du livre à Sciences Po, m’a conduit sans le savoir à écrire dans la revue Esprit. Et voilà qu’ayant publié dans cette revue un article sur la publicité, j’ai été enrôlé par une journaliste du Monde pour lui tenir une rubrique d’analyse des spots télévisés. Il s’agit d’Anne Rey : cet adoubement équivalait vraiment pour moi à un nouvel enfantement, aussi n’ai-je pas hésité à lui dédier Le Bonheur conforme en ces termes :
« Pour Anne Rey, qui m’a mis au Monde »
C’était vrai, tout simplement. Étonnant, non ?
Naturellement, dans ma vie privée d’adulte et père de famille, la prédominance d’êtres féminins dotés de fonctions maternelles a aussi largement contribué à l’enfantement de ma personne. Il y a d’abord eu ma propre épouse, que d’ailleurs j’ai un peu contribué à rendre Mère elle-même, lui conférant une dimension nouvelle dont j’ai bientôt bénéficié à mon tour. Et puis, il y eut la naissance de mes trois filles, lesquelles, sans le savoir, m’ont révélé le « père » que j’étais potentiellement, ce qui était vraiment pour moi naître à une nouvelle dimension. Quant à l’irruption de mes petits-enfants, elle m’a créé grand-père, ou « grand-enfant » (c’est la même chose en vérité), ce que je demeure. Comment ne pas conclure que ma destinée s’est montrée mère-veilleuse dans la façon dont elle m’a fait continûment naître et renaître ?
Je dois vraiment tout aux « Mères » !*
Ajoutons, cerise sur le gâteau, que parvenu à 80 ans passés, la fonction maternelle de mon épouse m’est encore d’un grand secours.
En voici un exemple bien concret. Avec l’âge, il n’est pas rare que j’aie, sans bien m’en rendre compte, ce qu’on appelle « la goutte au nez ». Eh bien ma tendre moitié n’hésite jamais, dès qu’elle s’en aperçoit, à sortir un kleenex pour me moucher prestement le nez, et m’éviter ainsi un ridicule dont je vous prie de ne pas rire !
Ah, vraiment, bienheureuses soient les Mères !
J’irai plus loin : quoique né masculin et pas mécontent de l’être, il y a pas mal de temps que je me sens prioritairement exister par ce que je mets moi-même au monde, et particulièrement mes ouvrages littéraires, dont la gestation n’est pas toujours une partie de plaisir. Et je me dis que c’est peut-être la frustration de ne pouvoir vivre d’accouchement en bonne et due forme qui pousse tant d’écrivains à compenser, en enfantant des œuvres qu’ils croient l’avenir du monde… Si bien qu’en voyant de plus en plus de femmes se vouloir à toute force écrivaines, plutôt que mères, je me demande s’il ne faut pas les plaindre d’opter pour ce choix contre nature.
Mais ne disputons pas : l’avenir, c’est que soit mis au monde ce qui fait croître le monde. Sachons bien enfanter des humains responsables.
Sachons reconnaître aussi que notre enfantement ne s’achève jamais…
Et donc, longue vie à toutes les Mères qui remplissent leur fonction !**
Le Songeur (23-06-2022)
* Il va de soi que je ne pousse pas mon admiration jusqu’à désirer qu’un jour mes petits-enfants me surnomment « Mamie nova »…
** Sans être un nataliste forcené, j’avoue m’être un peu laissé emporter par mon sujet, en dressant cet éloge unilatéral des Mères, comme si toutes étaient bonnes mères.
Le lecteur ou la lectrice rectifiera sans peine, en se rappelant qu’il existe en effet des mères abusives qui étouffent leurs rejetons au lieu d’en féconder l’énergie créatrice ; ou encore narcissiques qui, par préjugé ou prétention, ne font de leurs progénitures que des doubles de leurs insignifiances, femmes coquettes ou fils falots, autant d’enfants manqués, « fruits secs » ou avortons sociologiques qui n’apportent rien à l’avenir du monde, dussent-ils se retrouver placés, par les caprices du hasard, au sommet de l’État.
(Songe à ne pas oublier suivant (XIX) : « TOUT EST DANS LE TITRE » )
(Songe à ne pas oublier précédent (XVII) : « LE PARADIS DES MOTS PERDUS » )