AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (75)

UN SONGE ENFIN RÉALISTE

Tout en écoutant Les Préludes de Liszt, qui lorsque j’avais 15 ans flattaient à la fois mon désir de gloire et mes mélancolies amoureuses, je songeais à mon avenir littéraire, largement compromis par les refus se multipliant de mon dernier manuscrit. Que faire ?

Transporté par le souffle musical, mon cerveau élaborait peu à peu une solution concrète à l’édition de « La Larme de Rubinstein, et autres invitations à songer. »

Que ne l’avais-je envisagée plus tôt !

Il suffisait tout bonnement de lancer une souscription auprès de mes amis-lecteurs qui, chaque jeudi, répondent à mon invitation à songer. Il y en aurait peut-être cinquante à souscrire pour eux-mêmes et pour leurs amis, sans que cela les ruine.

De vagues calculs trottaient dans ma tête. Je savais que l’impression d’un livre de 210 pages, tiré à 500 exemplaires, s’établit à environ 1600 euros. Il fallait ajouter à cela divers faux frais, et surtout le coûteux envoi postal (qui est de 3€70 par livre). Ce n’était par rien.

Je songeais bien sûr qu’à l’exception du Bonheur conforme, depuis trois ans, la diffusion de mes ouvrages plafonnait à 150 exemplaires, et qu’il était souhaitable que ce nouveau livre ne soit pas trop déficitaire. Mais il fallait y croire. Si l’on proposait un prix de souscription de 10 euros frais d’expédition compris, il suffirait que cinquante lecteurs fidèles en acquièrent 200 (soit 4 par acheteur en moyenne), et le déficit des éditions de Beaugies serait limité à deux ou trois en cent euros. C’était jouable !

Je pensais déjà, avec reconnaissance, qu’ils ne prendraient pas mon invitation pour un harcèlement, qu’ils savaient bien que le labeur l’écrire ne suffit pas, qu’il faut des relais pour toucher le public, et que finalement, ils allaient participer avec moi au grand travail de l’écriture, puisque souscrire, c’est aussi écrire…

Transporté par l’espérance, je lançai donc l’opération. Je proposais à tous ceux qui passent me lire, de passer commande de trois ou quatre livres : l’un pour leur agrément, le second pour aider à l’entretien du site, et les autres pour réjouir leurs propres amis, à l’occasion des fêtes. Qui n’avait parmi ses relations deux ou trois connaissances susceptibles d’aimer les « songes » du jeudi ? Deux Larme de Rubinstein pour le prix d’un Goncourt, c’était une affaire !

Je lançai donc l’opération… Et la réalité dépassait aussitôt la fiction. En moins de deux mois, le livre était offert à plus de 200 personnes de qualité. Je volai de joie, l’entreprise qu’on eût pu croire irréaliste avait réussi !

Et si bien réussi que, par le biais d’un ami d’amis ayant des contacts dans l’édition, La Larme de Rubinstein était parvenue entre les mains d’un Néditeur ayant du flair, lequel, sous le choc ou sous le charme, avait aussitôt pris contact avec l’auteur, au début du printemps 2016.

J’étais appelé : je vins. J’étais incrédule : il m’expliqua au contraire qu’en réalisant mon projet de livre, j’avais fait la preuve qu’il s’agissait d’un projet réalisable. Ce que n’étaient pas parvenus à comprendre ses confrères.

Et dans la foulée, il m’offrit de racheter mes droits pour un tirage d’environ 10 000 exemplaires, qu’il comptait écouler au prix normal de 20€.

C’est alors que, quoique alléché et convaincu, je résistai. Il était conforme à ma dignité de faire la fine bouche. Je lui dis que j’entendais conserver mes droits sur un millier exemplaires, car je voulais réserver à mes fidèles la possibilité d’en obtenir encore au prix de souscription initial.

Ce qu’il comprit, et accepta.

Nous étions en juillet 2016. Septembre vint, avec le succès escompté. J’obtins de nombreux prix. Je fus assailli de projets. Mais, fort sagement, nous programmions déjà le second volume…

Tout à coup, je sursautai : Les Préludes de Liszt venaient de s’achever, sur des accents triomphaux. Je tombai des nues !

Allais-je douter ? Non ! Tout, au contraire, me parut possible. Mes lecteurs, en partageant ma rêverie, allaient en faire une réalité ! Les souscriptions allaient pleuvoir dans l’escarcelle du trésorier, par lettre, par courriel, ou par paypal sécurisé… Ils réjouiraient des inconnus eux-mêmes invités à songer. Et tous, nous chanterions bientôt : « Noël, Noël, un nouveau livre nous est né ! »

Au fait, je dois vous préciser que j’ai changé de pseudonyme. Pour mieux séduire, on m’a dit de l’angliciser :

« My name is Perrette… Perrette-the–pot-of-Milk. »

Le Songeur  (12-11-2015)



Notes du Webmaster :

Le projet et le menu de La Larme de Rubinstein sont visibles ici.



(Jeudi du Songeur suivant : « Le Songe enfin réalisé »)

(Jeudi du Songeur précédent (74) : « Meilleur des Mondes ou 1984 ? Les paris sont ouverts »)