UN LIVRE QUI TIENNE ENFIN SES PROMESSES ?
Parfois, je parcours des présentations de romans que je n’ai pas lus, dans la collection Profil d’une œuvre par exemple, ou une autre, et j’imagine ce que doit être ce livre à partir de son analyse : je rêve des scènes qui y sont évoquées, j’y retrouve par identification des sentiments que j’ai pu éprouver, je me passionne pour le résumé de ce qui arrive au « héros », sa vie, sa mort, sa fin, son sens. Et quand, par la suite, je vais au texte lui-même dont le « Profil » m’a été présenté, je peux être ravi de trouver un récit à la hauteur de ce que j’avais fantasmé (La Chute de Camus, par exemple) mais plus souvent déçu par la réalité de l’œuvre que j’ai en main, dont le commentaire m’avait fait rêver, et qui ne tient pas ses promesses (La Modification de Butor, par exemple, que son protocole artificiel m’a rendu pénible à décrypter).
Je tire de cette expérience trois remarques : 1/ C’est toujours un émerveillement que de lire un texte qui tient enfin ses promesses ; 2/Le bon commentaire enrichit toujours un livre en le rendant plus clair, en explicitant sa complexité, en y découvrant parfois, non pas ce que l’auteur a voulu dire (il est censé le savoir), mais ce qu’il a dit sans le vouloir ; 3/Le commentaire d’un présentateur passionné par le livre dont il parle, avec les enrichissements susdits, peut ainsi vous faire éprouver en songe le même émoi, voire davantage que sa lecture effective. Au point même de dispenser de cette lecture (trop souvent décevante).
D’où cette idée : n’est-il pas possible d’évoquer le projet d’un roman qui puisse émouvoir un lecteur, plutôt que d’écrire le récit lui-même, bref, d’en présenter le « profil » comme si l’œuvre était déjà écrite, d’en commenter les scènes supposées, d’analyser les personnages comme s’ils existaient vraiment, de rappeler leurs « péripéties » pour faire « saliver » le lecteur, en lui infusant des pensées ou états d’âme d’une même teneur que celle qu’il éprouverait au fil d’une lecture réelle ? Le songe du livre projeté vaudrait alors largement l’épreuve de sa lecture réelle. Bref, le commentaire d’un livre fictif, supposé déjà écrit, procurerait au lecteur une émotion proprement romanesque, de même nature et peut-être plus forte que l’acte de lire un roman authentique.
J’aimerais vraiment découvrir un tel livre, dont je puisse proclamer : ce livre existe, je l’ai rencontré, même si c’est sous la seule forme d’un commentaire prometteur.
Ce pourrait être par exemple un roman d’apprentissage. Je vois très bien, en fantasmant un peu, le profil du héros précisé par son analyste, qui évoquerait des moments caractéristiques de son existence potentielle, comme en me les faisant « vivre » sans que j’aie à lire un volume épais.
Le titre pourrait d’emblée mettre face à face un « critique littéraire évoquant l’œuvre qu’il est censé avoir découverte, et un lecteur amateur réagissant, comme s’il la lisait en songe, à la réalité virtuelle de la narration « imaginée » par le présentateur qui en retrace le « profil ». Ce profil, en de courts chapitres, retracerait tantôt une scène, tantôt des portraits, tantôt des analyses de situations problématiques, son interlocuteur lui faisant part de ses impressions, exactement comme dans la situation où nous parlons à un ami d’un récit énigmatique que nous sommes en train de lire, et qui nous captive, avec nos attentes, nos surprises ou nos insatisfactions. Peu à peu, l’intérêt romanesque prendrait corps et les deux interlocuteurs finiraient par croire à ce qu’ils fantasment à l’unisson…
Mais suis-je bête ? N’ai-je pas déjà lu une pareille relation d’un récit inexistant ? Ou bien même, ne l’avoir écrite ? L’ai-je même oublié en raison d’un alzheimer naissant ?
Rassurez-moi. Et pour ce faire, commandez donc et lisez vite L’Inscription de Benjamin*, dialogue conçu par François Brune, disponible aux éditions de Beaugies…
Le Songeur (28-09-2023)
* La genèse de ce dialogue est développée dans mon ancien blogue, ici :
http://larbremigrateur-fb.blogspot.com/2013/11/linscription-de-benjamin-editions-de.html
(Jeudi du Songeur suivant (331) : « PASTICHONS ! » )
(Jeudi du Songeur précédent (329) : « IMPRESSION, FORÊT PLEIN JOUR… » )
