AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (284)

IL EST TEMPS QU’ON ME RENDE DES COMPTES

Songeant soudain aux ravages historiques de l’Occident, coupable d’avoir colonisé ou mis en esclavage des peuples entiers de sa propre zone ethno-capitaliste, pillé les ressources d’autres continents qui appartenaient forcément à leurs races naturelles, et fondé principalement sur cette exploitation sa propre richesse actuelle, j’ai trouvé si juste le fait que des individus de tous pays lui demandent des comptes que je me suis interrogé sur les propres préjudices dont j’ai été moi-même la victime méconnue, au fil de siècles dont plus personne ne veut ou n’ose parler publiquement.

Il est temps de briser ce silence. J’ai besoin que le monde planétaire entende ma Parole opprimée, retrouve la mémoire et me rende à moi aussi les comptes qu’il me doit !

J’ai certes une lointaine souvenance de cette oppression historique, mais mon corps abîmé en garde les stigmates : je fus (et me sens encore) ce paysan ignoré et moqué, ce lourdaud exploité grâce aux travaux duquel les gens des villes ont survécu dans leur bonheur conforme.

Je fus le « Pauvre Martin » de Brassens, labourant les champs et trimant du matin jusqu’au soir. C’est par moi que l’Agriculture française, ce Monstre qui m’a dévoré, a pu finalement subvenir aux besoins de l’Union Européenne, laquelle n’aurait jamais pu croître et grossir sans m’extorquer ce trésor que fut mon labeur quotidien d’ancêtre demeuré ! Oui, Messieurs-Dames, si elle est devenue ce qu’elle est, c’est que je n’ai pas pu garder pour moi ce magot obtenu à la sueur de mon front. C’est pourquoi je suis en droit d’espérer qu’elle se repente et me restitue ce lingot virtuel qu’elle a acquis à mes dépens.

Car les nobles de l’époque, devenus les barons industriels d’aujourd’hui, ont méprisé mes congénères, battu mes flancs, violé nos femmes, pour mettre en place leur exploitation sans vergogne de la race originelle dont je suis issu.

Je fus le nègre dont parle Montesquieu dans son fameux texte sur l’esclavage*, je suis l’animal farouche que décrit La Bruyère dans le chapitre où il évoque notre misère ignominieuse**. C’est pourquoi c’est mon droit et mon devoir d’élever enfin la voix :

1/ Je demande hautement à l’État républicain de faire repentance au nom de notre nation pour m’avoir si mal traité dès l’essor de mon arbre généalogique.

2/ J’étends ma protestation aux responsables officiels de l’Europe, devenue Union Européenne, en leur déclarant publiquement : rendez-moi mes écus !

Et de grâce, qu’on n’aille pas me dire que je joue les victimes pour prendre le pouvoir sur ceux que je culpabilise : tout le monde agit ainsi envers tout le monde aujourd’hui, c’est la mode et c’est la règle. Je m’auto-victimise, donc j’existe. Les femmes et les homos, les Africains ou les juifs, les nuls et les cons, tout le monde en fait autant autour de vous autour de nous…

Alors quoi, moi, ex-pauvre paysan de merde rescapé des ghettos de l’Histoire sociale, je n’aurais pas le droit – au 21ème siècle – de faire savoir ma rébellion et mon juste combat ?

Ce serait trop injuste, à la fin…

Le Songeur  (27-01-2022)


* « Il est impossible que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. »

** « L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; [ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain noir, d’eau et de racines] ; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet, ils sont des hommes »



(Jeudi du Songeur suivant (285) : « PAUVRE JOSEPH » )

(Jeudi du Songeur précédent (283) :
« ET SI NOUS REVENIONS EN CE MATIN DU VINGT
CHANTER LE GRAND, LE VRAI LE BEL ALEXANDRIN ?
 » )